Le Président Macky Sall serait-il en voie de s’accrocher du mouvement Hip-Hop ? En effet, des acteurs du rap sénégalais, la plupart connus pour leur hostilité aux pouvoirs ont été reçus par le chef de l’Etat à travers l’initiative TARRU RAP GALSEN. Presque toutes les générations de rappeurs y étaient représentées. Il s’agit entre autres Xuman, Baye Souley, Ngaka Blindé, Deeg Tee, Tapha bou Dabrins, Fata. Simon du mouvement Y en a marre, faisait partie de la délégation.

Dans l’après-midi du 25 décembre, le Président Macky Sall a reçu en audience 25 acteurs «majeurs» du mouvement hip-hop à travers l’initiative TARRU RAP GALSEN. Certainement pour les séduire, le chef de l’Etat a pris plusieurs mesures, lors de cette audience. Il s’agit notamment de la transformation du Fonds de développement des cultures urbaines (Fdcu) en Fonds de développement des cultures urbaines et des industries créatives (Fdcuic). L’effectivité de l’augmentation du budget du Fonds fait évoluer la dotation la faisant passer de 600 millions Cfa en 2023 à un milliard de francs Cfa. Le Bureau des Cultures urbaines de la présidence de la République sera désormais rattaché au ministère de la Culture et du Patrimoine historique. Ce, en plus de la mise à disposition d’un siège national des structures et associations des cultures urbaines.
Une audience qui a divisé les acteurs de la culture urbaine. Mor Talla Gueye alias Nitt Dof qui a vu la semaine dernière son « show of the year » annulé pour des raisons « sécuritaires » s’est exprimé sur cette rencontre.
Dans une vidéo partagée sur les réseaux, le rappeur a fait savoir à ses collègues que le moment est mal choisi pour se rapprocher du pouvoir et de parler du devenir du Hip-Hop. « Au moment où des compatriotes sont emprisonnés arbitrairement, de dignes citoyens sont « tués lâchement », un journaliste est emprisonné, le carnage financier est opéré, la question du 3e mandat fait débat… », a-t-il lâché.
Pour lui: « Ce n’est pas le moment d’offrir une occasion au Président de faire son image. Le chef de l’Etat a utilisé son ministre et le promoteur pour décrédibiliser la culture urbaine. Ils ont reçu de l’argent pour le faire. Le Hip Hop a toujours pris position de révolutionnaire. Alors qu’on devrait être une menace pour Macky Sall, ce n’est le moment de nous rapprocher du pouvoir ».

La chanteuse Queen Biz de sa part, a traité Xuman, Simon et Cie « des affamés ». « Thiey les rappeurs Sénégal yi ?? Non Khiiff Bakhoul », a t-elle posté sur sa page facebook.
« Chacun est libre d’aller voir qui il veut»
Le promoteur de cet événement culturel, l’ancien rappeur du groupe Da Brains Tapha Dieng, est l’initiateur de la rencontre avec le chef de l’État. «Nous avions d’abord été reçus par le ministre de la Culture, Aliou Sow. Ce dernier a rendu compte au président de la République et Macky Sall a jugé nécessaire de nous recevoir, révèle dans L’Observateur le PDG du label Sen Art Vision. C’est tout à fait légitime. Nous sommes des Sénégalais et il est le président de tous les Sénégalais.»
Tapha Dieng balaie d’un revers de main les soupçons de manœuvres politiciennes du pouvoir dont le but serait de diviser le mouvement hip hop et étouffer des voix discordantes comme Nitdof ou les rappeurs de Y en a marre. «L’audience n’a rien à voir avec de la politique, jure l’ancien rappeur. Tout ce qui est appartenance politique et appartenance religieuse est personnelle. Chacun est libre d’aller voir qui il veut.»

Il faut savoir que la rap a émergé au début des années 1980 dans la ville sénégalaise de Dakar, dans un contexte politiquement engagé et social. Et le hip-hop sénégalais s’inspire initialement du hip-hop originaire du South Bronx, aux États-Unis. Il fait usage de la langue natale du pays, le wolof, accompagné du français et de l’anglais, qui traitent de sujets sérieux comme le crime, la corruption, les MST et le SIDA, la pauvreté, et les conflits ethniques.
En 2000, les artistes de la première génération comme Positive Black Soul, Xuman et Wa BMG se rassemblent pour le sopi (« le changement » en wolof) et font gagner Abdoulaye Wade qui bat alors Abdou Diouf au pouvoir depuis dix-neuf ans.
En 2012, le mouvement apolitique « Y’en a marre », initié par des rappeurs et des journalistes s’évertue à s’exprimer sur le ras-le-bol face à l’injustice sociale, la corruption et la mal-gouvernance. Le mouvement qui est né après avoir fait le constat que dans ce pays, le Sénégal, on vivait 20 heures de coupures d’électricité et les gens ne faisaient rien.
Une chanson intitulée « Faux ! Pas forcé », un jeu de mots pour appeler le président Wade à éviter de « forcer » pour se présenter une troisième fois.
« Ce produit artistique est une contribution au combat du peuple sénégalais contre la candidature de Abdoulaye Wade. Il s’adresse directement à lui pour l’amener à se ressaisir », a déclaré le coordonnateur de « Y’en a marre », Fadel Barro, au cours d’une conférence de presse.
« Le Sénégal est sur le point de s’embraser par l’obsession et l’entêtement d’un seul homme », a ajouté M. Barro.
Aujourd’hui, la situation semble être similaire. Le Président Macky Sall s’entête avec son ni oui ni non pour sa troisième candidature. Reste à savoir si la culture urbaine s’engagera tous unis pour barrer la route au Président Sall…